Namaste depuis le bout du Monde !

 

Le Camp de base, 5300 m, un camp de fortune posé sur le glacier du Khumbu tout au bout d’une vallée surplombée par des sommets de plus de 7000 m… c’est le cirque quoi !

Un véritable enchevêtrement de tentes multicolores, posées au pied de ce fameux Ice Fall dont on a déjà entendu le voix caverneuse en arrivant avec quelques effondrements…

En fait c’est hallucinant, on entend des grondements en permanence, avec quelques fois des chutes de séracs, d’autres fois des chutes de rochers… et ce bruit sourd qui résonne tout au fond de la vallée et nous fait bien comprendre que nous ne sommes que « quelques » (J’y reviendrai plus tard) poignées de fourmis présomptueuses à vouloir grimper sur les cheveux enneigés du grand Sagarmatha…

 

Je retrouve les sensations d’il y a un an mais cette fois avec la frustration en moins, je viens de découvrir ma jolie tente perso qui va m’accueillir pendant plus d’un mois au gré de nos montées et descentes… une jolie tente perchée en bord de glacier…

 

Quel joli dernier trek que la dernière rando de ce matin… Le franc soleil m’a autorisé le T-shirt et par contre des vestiges du gel nocturne continuaient à décorer de discrets cristaux les parties ombragées de l’ubac… ouais, je sais c’est pompeux mais fallait que je les place mes adrets et ubacs… du genre, entraîne-toi au froid, passe ton ubac d’abord !

 

Et puis cette fois ci, j’ai commencé la journée reposé comme jamais !

J’avais bien préparé un demi somnifère au pied du lit dans le cas où l’insomnie me tarauderait toujours vers les minuit mais… le marchand de (pas)sable était déjà venu à ma rescousse…

Faut dire que j’avais commencé par combler une lacune de cinéphile en regardant « Sous le sommeil…pardon, le Soleil de Satan » pour commencer la soirée, alors oui, ça y est c’est fait mais on peut pas trop dire que ça bouge beaucoup, et puis j’ai terminé avec le « Twin Peaks » de David Lynch, et la encore (mis à part quelques cris) on est dans le l’univers planant pour ne pas dire lénifiant…

 

Nous voilà donc à 5300 m d’altitude et la Première Phase (le Trek) s’achève…

La Phase II (acclimatation) commence pour  une trentaine de jours environ, et enfin la Phase III (Attaque finale) devrait nous demander une petite semaine… Mais bon, ça paraît si loin encore… une éternité !

Faites les test : en voiture, mesurez 5 kms et 300 mètres, levez la tête, et je suis là haut et vous regarde ! Ça fait pour l’instant environ 18 Tour Eiffel et… ouah je suis fatigué pour faire la conversion en nombre de sherpas…

 

Et bien…

C’est pas si fraternel que ça une ambiance de camp de base…

J’étais en train de louvoyer entre les « icebergs », le torrent gelé par endroits, les moraines… et je croise un Népalais… Je lui lance mon classique et souriant Namaste, et v’la t’y pas que le mec me sort un « you can’t enter the camp, follow the river ! »… Dont Acte !

 

On n’est plus dans le Népal de mes rêves ici mais (je vais quand même essayer de ne pas trop extrapoler) à nouveau dans un Monde de compèt’ et de propriété… Je suis peu être trop angélique mais ça me déçoit un peu…

 Déjà qu’en regardant las autres je commence à me trouver tout tout tout  petit, plus backpacker qu’alpiniste, voilà une déconvenue qui ne va pas me mettre en confiance…

 

C’est incroyable le nombre de grimpeurs que je peux rencontrer et qui en sont déjà à quatre ou cinq sommets de plus de 8OOO m… je n’ai pas ce pedigree et n’ai pas non plus l’intention de courir après… Il y a les sous, et puis surtout à ce niveau là je n’ai aucune intention de me lancer dans une nouvelle collection aussi masochiste qu’onéreuse…

L’Everest, c’est différent, c’est THE one, une gueule pas possible, une histoire incroyable qui fait qu’on n’est même pas sûr que le sommet n’ait pas été conquis en 1921 par Irvine et Malory…soit 32 ans avant l’exploit officiel d’Hillary !

 

Á ce propos… Vous vous souvenez de la nana de l’équipe des Russes qui m’avait massacré la main en me la broyant dans l’aéroport de Kathmandou… ? Oui, celle-là même… Et bien elle est en train de tenter avec l’Everest son 14ième sommet de plus de 8000 m sur 14 possibles…

Respect… Respect d’accord, mais tout le monde a l’air un peu trop sérieux à mon goût… en tout cas dans cette équipe de Russes dans laquelle je suis de plus en plus content de ne plus faire partie, économie colossale de 10 000 € mise à part…

Dans ce contexte, je me sens à peu près aussi confiant qu’un Kenyan pris dans une tempête sur les contreforts du Kilimandjaro et qui n’arrêterait pas de se répéter « un doute Massaï, un doute Massaï… »… Ok, je ne me hasarderai plus sans crampon sur une pente aussi glissante…

 

C’est vrai quoi, elle est vraiment sympa et humble notre équipe à côté de tout le reste…

Joseph qui espère aller le plus haut possible et à dû casser son petit cochon rose d’économies, Abu qui n’arrête pas de déconner… d’ailleurs ce matin il s’est fait prendre en photo sur un petit monticule de 5 mètres et a sorti le grand jeu, corde fixe, jumar et masque à oxygène en disant qu’en cas d’échec il enverrait ces photos à ses sponsors… Mais putain, comment diantre font-ils ces Russes pour dégoter des sponsors… ?

Non mais à la fin… Son sommet le plus haut est l’Island Peak, un petit 6000 m,et là il réussit à sortir de sous son chapeau des étiquettes et donc de la thune pour adoucir la douloureuse…

Et là je viens à l’instant de lui poser la question, il est même pas en train de l’adoucir la douloureuse mais de l’effacer purement et simplement ! il a reçu 21 000 € de subsides… L’intégralité quoi ! Ils sont forts ces Russes, y a pas…

 

Boris, lui, est toujours fidèle à lui-même et impénétrable comme un morceau de granit… quoique le dit rocher a quand même reçu, lui, des incrustations de feldspath et de mica si je ne m’abuse…

Et puis, il ne finira jamais de m’étonner le père Boris… en lui montrant une photo de France, il m’a fait comprendre qu’il avait déjà participé la Transjurassienne en ski de fond (La Moura – Mouthe), soit 76 kms en … 5 heures !

 

Et enfin, il reste Martin et son armée de sherpas (une expression qui fait bien rire Joseph, surtout quand je l’enchaîne sur l’air des White Stripes de « 7 sherpas army »…)… toujours inconnu au bataillon… apparemment il a quelques jours de retard mais c’est quand même bizarre de n’avoir toujours pas aperçu de nouveau son bout de nez d’Irlandais…

 

Oui, je reviens sur mes «quelques» poignées de fourmis de tout à l’heure… je viens d’apprendre que, du fait de la nouvelle fermeture du Tibet par ces … de Chinois, le nombre d’expéditions a quasiment doublé et, d’une trentaine en général, nous nous retrouvons dans ce bout du Monde à plus de cinquante expéditions, soit 600 grimpeurs pour autant de sherpas… un petit village de 1200 aficionados en définitive !

 

Bon, c’est pas tout mais 18 heures approchent et par conséquent le froid tombe tout d’un coup… et les tentes Mess qui ressemblaient à un vrai solarium pendant la journée commencent à accuser le coup des 5300 m… dit autrement, il commence vraiment à peler grave !

Le sac de couchage m’appelle en attendant le dîner préparé « amoureusement » par Maïla notre cook…

 Et puis même si ce n’est pas la faim qui me taraude, j’ai intérêt à me forcer parce qu’un autre États-Unien qui a déjà summité il y a deux-trois ans et qui revient pour les besoins d’un film vient de me le confirmer… Il avait perdu 14 kilos la dernière fois !

Ça m’arrange en fait parce que je commence à remarquer des plis apparaître sur mon ventre et je n’apprécie pas trop… ( : – (

 

Voili voilou, Pheri Bhe Tongla à tous, j’essaie d’envoyer mes messages de retard demain et m’apprête à goûter à deux jours de repos bien mérités sous un soleil qui, je l’espère va perdurer…

 

Yves

 

PS, et clin d’œil… Je viens d’apprendre comment on dit « fort » en Népalais… Ça se dit « Baliho »… marrant quand même…