Namaste encore !

 

Un Namaste un peu surgelé hier…

Le temps déjà couvert a carrément tourné à la tempête et à l’orage dans l’après-midi avec des bourrasques de neige incroyables qui fouettaient ce qui est encore, heureusement, des lodges en dur… Pfffiou… je suis un amoureux de la montagne certes, mais quand même mille fois plus (et c’est un euphémisme !) quand le ciel est pur et dégagé… j’ai passé l’aprem’ congelé avec pas mal d’inquiétudes naissantes à me dire, « mais qu’est-ce que ça va être 4000 m plus haut… ? »…

 

Enfin, tout ça pour dire, qu’au réveil ce matin, Khumjung se retrouvait inondée de lumière et de soleil… Ahhh mais quel bonheur la montagne dans ces conditions…

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas donc, et l’étape d’aujourd’hui s’est avérée… je cherche mes mots… mais oui sublime, y a rien d’autre qui puisse décrire ce bonheur d’avoir tous les sens en éveil, et ce, sous les chaleureux rayons de soleil m’ont même permis de cheminer en T-shirt toute la matinée…

 

Comment dépeindre en quelques mots cette merveille… ?

Un sentier encore enneigé qui sinue sous des forêts de sapins et de rhododendrons en fleurs, surplombant le torrent du Khumbu en contrebas, au doux vrombissement capitonné et paisible…

Ce même torrent qui sera, en amont, bien moins de la tarte quand il s’agira d’escalader les séracs et de traverser les crevasses  de ce monstre de glace…

Une journée en bleu azur, sur un chemin rendu meuble par la fonte des neiges transpercées par le soleil de plomb… une journée ponctuée par le clapoti rafraîchissant des gouttes de neige fondante…. Et de temps en temps le tintement mélodieux des cloches de yaks en pleine descente, signalant la livraison au camp de  base d’une nouvelle expédition (peut-être la nôtre… ?) et aussi le bonheur des « FedEx à poil dru » qui rentrent au bercail…

Ah quel bonheur de se sentir dans un cocon de chaleur, pas un poil de vent… et à vrai dire, pas grand-chose derrière non plus…

 

J’ai fait la « route » ce matin avec Abu, le benjamin des Russes mais 52 ans quand même… et donc le 2ième plus jeune de l’équipe… Il est marrant aussi ce mec, c’est la spontanéité incarnée, toujours mort de rire avec un gros rire gras s’il se sent compte que le plat qu’il a commandé est plus copieux que celui du voisin, mais en même temps la générosité faite homme…ok, il s’est bien marré d’en avoir plus, et bien il partage, il distribue à qui mieux mieux aux mômes qu’il croise sur le sentier mais prend un air grave… « Yves, Problem’… » s’il trouve que son appareil photos prend des clichés surexposés ou s’il croit que les bagages n’ont pas pris la bonne direction…

D’ailleurs le père Abu, m’a prêté son Pshitt-Pshitt pour soigner mon mal de gorge qui me fait de plus en plus mal pour les déglutissements nocturnes…

Vraiment sympa ce mec là mais en bon Russe, c’est pas trop facile de communiquer avec lui, hormis des phrases sans verbe… « mountains, very good » ça passe mais faut s’arrêter là…

Les fois où je tente plus, ça se termine par des « Ya Ya…Ahhh » qui ne sont pas synonymes de compréhension…

Là où je devient sûr qu’il n’a rien compris c’est les situations où il me répond l’air bien concentré et convaincu des « ok ok ! », là ça veut dire, « mon gars tu peux repasser avec ta question… même joueur rejoue… ».

Je m’en suis rendu compte quand je lui ai demandé un « How many hours to go to Tengboche ?? » et qu’il m’a placé un « Ya ya, ok ok ! » de toute beauté dans les gencives…

Nous y voilà donc à Tengboche et on entre définitivement dans le Royaume de la haute montagne… On est toujours seulement à 3850 m d’altitude parce qu’on a dû descendre au fond d’une vallée pour remonter juste après, mais cette fois ci on est cerné par les sommets de plus de 7000 m avec l’Ama Dablam comme point d’orgue et tout au fond l’Everest qui pointe petit bout de son nez… pâle forcément.

 

Un beau monastère tibétain fait face aux montagnes et j’ai pu lézarder sous le soleil de plomb dans un premier temps, mais dès que les cumulus ont commencé à se pointer associé à une petite brise glaciale… et ben on est bien content d’avoir un porteur pour me déplier le tapis rouge, en l’occurrence la couleur de mon sac de couchage, d’où j’écris…

Si l’autonomie reste suffisante, je sens bien un petit film se profiler à l’horizon moi…

 

 

 

 

Et bien le film n’a pas tenu et puis à la limite c’est mieux comme ça parce qu’il faut quand même être con pour aller regarder, au milieu des sourires « Saw III », et ses scènes de torture quasi insupportables… enfin, s’il faut tirer une conclusion… ?

Non à l’autojustice, non à la vengeance et oui à la tolérance… bon, pour la morale, d’accord mais… promis je recommencerai pas…

 

Et maintenant pour recharger, c’est la croix et la bannière, quasiment 3 € 50 de l’heure !!!

J’essaie de négocier comme je peux mais c’est chaud chaud, et c’est vrai que lorsqu’on a commencé à s’habituer au confort et au petit cinéma quotidien de la sélection des photos du jour et bien… les acquis sont les acquis !

 

Pour internet, j’oublie et attend le camp de base, ici à Dingboche, on en est à 30 centimes d’€ la minute, oui 2 FRF je trouve que c’est plus parlant…

 

Nous voici donc à 4400 m d’altitude en gros… la tête suit bien mais jee suis un peu déçu par la performance des jambes… en ce qui concerne le souffle, j’ai l’impression que ça va à l’écoute des ventilateurs ambulants que je double…

 

4400 m, on est au sommet du Cervin en gros et donc cela devient à peu près normal que la végétation se raréfie…

Dans un 1er temps, les forêts ont ce matin cédé la place à des embryons de sylve décorée de mousse espagnoles qui décoraient les branches rachitiques d’un air de fête, puis… exit toute forme d’arbre et bienvenue à l’ère des buissons ras et ornés d’épines…

 

Le soleil est toujours bien présent mais la moindre brise oblige à sortir la laine polaire car faire constamment la bise (si ce n’est plus…) à des glaciers monumentaux n’est pas sans conséquences et… en un mot, ça commence à peler copieux !

 

J’attends le reste du groupe dans le lodge prévu et je ne comprends pas grand-chose, les anciens sont partis ce matin avant moi, ils carburent comme des fous et ne font pas de sempiternelles pauses photos… et je me retrouve 1er dans le lodge… Allez comprendre…

D’après notre (futur) cook, Maïla, ils ont dû continuer à grimper encore… quand je vous disais que ce sont des morts de faim les anciens de mon équipe !!!

 

Ah oui, et puis nous nous retrouvons toujours seulement à quatre membres, Matin l’Irlandais se faisant toujours attendre… Bizarrement, il a dû prendre dès le 1er jour l’avion de Kathmandou avec un jour de retard, mais en fait, en creusant un peu ce n’est pas si bizarre, il se trimbale l’ « ostrogoth » avec 175 kgs de bagages là où, par comparaison, je ne transporte que 30 kgs de matériel… !

Dans la même logique, il donne un peu l’impression de vouloir acheter la montagne… Monsieur (« Sir », pardon…) s’est réservé trois sherpas personnels au lieu d’un et onze bouteilles d’oxygène au lieu de quatre ou cinq… Il ne manque pas d’air ce mec !

Du coup hier soir, les Russes (surtout Abu en fait, vu que Clint – Boris parle aussi souvent qu’un Parisien véhiculé s’arrête avec le sourire pour laisser passer un piéton…) n’ont pas laissé passer l’occasion de l’enchaîner au plus grand plaisir des sherpas qui étaient morts de rire… Allez que j’te mime deux sherpas en train de tirer le Martin à la corde, de le faire avancer à coups de pieds dans le train… Toujours plein d’entrain le père Abu…

 

En parlant d’entrain, c’est toujours lui qui s’est interposé pour empêcher une saillie bien brutale entre un étalon népalais  qui semblait avoir bien besoin d’autre chose que de foin pour son petit déjeuner et une jument qui ne demandait rien à personne d’autre que de transporter un Népalais… Le Cheval s’est précipité comme un mort de faim sur la jument, le Népalais a failli tomber, la jument s’est mise à ruer et c’est là qu’Abu à commencé à balancer des caillasses à la pauvre bête et à gesticuler avec ses bâtons en hurlant en Russe…

Forcément, ça choque ! Alors le cheval a pris ses distances, a essayé de doubler Abu par les taillis et de retrouver sa belle … Une saillie vaut bien des taillis…

On a juste entendus des hennissements au loin…et on a retrouvé le Népalais avec un sourire béat et qui boîtait drôlement…

Non, tout est vrai sauf la fin…

 

Voili voilou, bon week-end bien mérité chez vous et Pheri Bhé Tongla, hein ?

 

 

 

 

 

Et bien…

La petit mal de crâne d’hier soir s’est bien dissipé pendant la nuit et cette journée de « repos » s’est avérée bien offensive en fait… Outch ! qu’est-ce que je me sens bien à l’instant présent… !

Gros soleil au réveil alors on a suivi avec Joseph une arête attenante à notre lodge… Grand soleil, bronzage qui se confirme et petit sommet à 5400 m d’altitude !

Ça commence à être sérieux et surtout quelle parfaite acclimatation une fois redescendus les mille mètres… et puis, en partant ce matin sans sac à dos, j’ai pu retrouver un bon rythme qui m’a redonné une bonne dose de confiance en moi… 1 h 45 pour gravir les mille mètres et 25 minutes dans la vue à Joseph, puis une descente au pas de course en 25 minutes…

 

Tout va bien… et tout va d’autant mieux que… que… allez, ouvrez vos narines et vous devriez deviner la suite… Je me suis LA-VÉ !!!

Oui !!! Ouh là là je revis… Non c’est vrai que ça commençait à être vexant de voir les yaks se détourner à mon passage… Alors j’ai fait péter le grand jeu… gant de toilette, génie en frottant, rasage et… soyons fous… parfum !

 

Donc la suite jusqu’au camp de base s’annonce pas trop mal puisqu’on devrait remonter demain à 4900 m (Mont Blanc déjà allègrement dépassé) puis gentiment se diriger vers le camp de base, notre futur parking montagnard à « seulement » 5300 m, l’altitude du jour…

 

Ah oui, avant que j’oublie, j’ai discuté hier avec un sherpa népalais qui travaille chaque été dans une refuge français près de Samoëns et qui par conséquent (ouais remarquez, c’est pas si évident que ça…) parle couramment français… et il m’en a raconté une bien bonne, à nous qui avions tendance à chambrer notre Irlandais luxueux…

Et bien ce Népalais a rencontré l’année passée un États-Unien (apparemment quand même la 14ième fortune du Pays…) dépenser, tenez-vous bien (« Tenez-vous mieux ! » comme se plaisait à le dire feu Pierre Desproges…) 100 000 $ pour « se payer » l’Everest… !!!

Alors, pour ce prix, on peut prétendre à quoi ?

Des babioles, rien que des babioles… trois guides US, 2 cuistots US, 2 docteurs US, et rien que 5 sherpas personnel…

Et comme ça ne suffit pas, le mec, au milieu de l’ascension a appelé un hélico pour venir le chercher à Lobuche (4900 m, notre prochaine étape) et le redescendre pendant une semaine dans un hôtel 5* de Kathmandou avec jacuzzi, hammam… (la totale quoi… !) où il s’est reposé, puis s’est fait redéposer à Lobuche pour tenter le sommet… qu’il n’a pas atteint car ses guides l’en ont dissuadé…

Morale : l’argent n’achète pas tout et ça c’est plutôt cool…

 

J’essaie d’envoyer ce pavé même si internet est (et c’est normal…) hors de prix ici… parce que si j’attends encore, cela risque de devenir définitivement indigeste !

 

Pheri Bhe tongla les amis

 

Yves