25 – Retour triste…
- Everest
- Yves Morel
- 25 Mai 2009
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Namaste à tous !
Dans l’attente de la deuxième partie du roman fleuve sur le toit du Monde… un toit où j’ai rencontré des tuiles mais n’ai laissé aucune ardoise… OK je vais m’arrêter dans la thématique du couvreur, je terminerai juste en vous disant que je n’ai pas chaumé…
Bon, bref, en attendant donc la conclusion du diptyque, je suis rentré au camp de base où c’est plein d’émotion que nous nous sommes retrouvés avec Joseph… le pauvre, déjà que j’exprime de la frustration à chaque fois que je dois répondre à un quidam « Non, non, je suis pas allé au sommet… Seulement le balcon sud car j’allais perdre les orteils à cause du frostbite… », je n’ose imaginer celle de Joseph qui sera resté bloqué en pension complète pendant plus de deux semaines au camp de base…
Il ne s’est pas fait prier en effet pour que nous enchaînions dès le lendemain de mon arrivée vers les basses altitudes, la verdure, les villages accueillants… bref, vers le retour à la vraie vie… Et comme j’avais laissé un morceau de cœur dans la pension de famille de Namche Bazar, j’y ai conduit Joseph pour lui montrer à quel point je n’avais pas exagéré quant à la gentillesse de ce couple hors du commun qui m’avait maintenu pendant ma phase de repos comme un coq en pâte (voir photo)… Et il ne lui a pas fallu longtemps en effet pour constater à quel point je collais la réalité… À peine avions-nous sonné que le petit couple m’a pris dans ses bras, m’a montré la photo que je leur avait imprimée et qui trônait dans la salle à manger, et m’ont avoué s’être fait un souci monstre quand ils ont appris à propos de l’avalanche meurtrière sur l’ice fall… Plus que du plaisir, cet accueil m’a littéralement touché… c’est quand même incroyable d’offrir une telle dose d’amitié à la base à un client que vous n’avez vu que pendant trois -quatre jours…
Pour compenser ce soleil irradiant venu du cœur, et bien au niveau de la météo, ça y est, la mousson s’est imposée et offre un ciel d’une tristesse de novembre en France avec alternant un brouillard d’une densité incroyable ainsi que de la pluie… Bref, c’est peu dire que l’ambiance s’avère tristounette et que ça sent la fin de la saison touristique… les boutiques ferment à tour de rôle et la joie des sentiers a cédé sans aucune transition la place à une triste et grise vacuité… Hier cependant, j’ai quand même pu m’emplir d’un grand moment d’émotion en écoutant « Sing Halleluja » de Jeff Buckley sur le sentier du vertige d’où j’avais failli être précipité par les Yaks, mais un sentier cette fois complètement noyé dans la purée de pois… un sentier d’où n’émergeait à peine que quelques frondaisons de sapins… En ajoutant à cela une solitude de quelques instants du fait du retard de Joseph qui commençait à fatiguer, un grand moment de pureté s’est élevé dans ce panorama obstrué… Et cette voix cristalline de Buckley…C’était tout simplement transcendant…
Par contre moins transcendant ce sont les nouvelles de l’équipe…
– une organisation de plus en plus nulle… Pimba, le pseudo sherpa leader qui disparaît sans laisser de trace ni de nom de lodge où nous puissions le retrouver, et dont le manque de communication ou d’explication aura vraiment été désastreux…
– Martin, dont on apprend qu’il s’est finalement écroulé, oui écroulé, quelques mètres après le balcon où j’avais fait demi-tour. Martin, à qui il a été administré une injection qui n’a pas suffi, et qui devant l’incapacité manifeste à se tenir debout, a vu ( ?) ses trois sherpas (heureusement qu’il a décidé de recruter cette « armée de sherpas » que je raillais…) le saucissonner et le faire glisser dans la neige jusqu’au camp III car sinon il y passait… Même maintenant apparemment, Martin se sent super mal, est toujours bloqué au camp de base où il a un mal extrême à respirer mais refuse mordicus d’être rapatrié en hélicoptère… Apparemment, il a vraiment été à deux doigts d’y passer et gisait complètement inconscient a plus de 8700 m… et pour ne rien arranger, ses pieds seraient dans un état pitoyable… Je suis content de ne pas m’être entêté comme lui…
– Boris, après avoir eu une crise de froid et de tremblement similaire à la mienne au balcon sud, a connu une phase de fatigue et voire même de faiblesse extrêmement patentes (il l’a payé quoi…)… Je m’en étais rendu compte lorsque je l’ai aperçu arriver comme un fantôme au camp III, se précipiter dans la tente où nous terminions le thé du petit-déjeuner avec Nima… et rester allongé sur mon sac de couchage presque en train de câliner mon mollet droit… Et bien apparemment, après notre départ, les choses ne se sont pas arrangées… Arrivé poussivement au camp II, Boris s’est dirigé en toute urgence chez une autre expédition pour leur demander de l’oxygène et depuis, pas beaucoup de nouvelles sinon qu’il serait peut être enfin redescendu au camp de base…
– Quant à Abu, que nous venons de retrouver avec Joseph à Lukla, dernier village d’où nous nous envolerons demain matin avec le petit coucou pour (enfin) rentrer à Katmandou, il semble avoir calmé son ultra dynamisme histoire de ne pas trop nous rendre jaloux puisque c’est le seul à avoir atteint le sommet… mais à la vue de ses photos… c’est peu dire que je nourris des regrets… Oh la la, d’observer par procuration cette file continue d’alpinistes sur le ressaut Hillary, puis d’admirer cet espace exigu que constitue le sommet de notre Planète, j’en étais malade tout à l’heure… Tout ça à cause d’une histoire de froid et rien à voir avec un quelconque problème physique… ma-lade !
Mais quoiqu’il en soit, avant même de découvrir ces photos qui me remuent le couteau dans l’appelé (Présent !)… et bien, comment dire, une sorte de vague à l’âme accompagne bizarrement mes pas sur le sentier depuis hier… Il y a cette lumière triste, sorte d’ambiance de fin de fête avec des villages de plus en plus moribonds, et puis cette impression tenace d’avoir tout raté en définitive… De rentrer d’une part en ayant manqué le sommet mais en plus même pas foutu de rentrer sain et sauf avec ces maudits orteils amochés qui à la fois persistent dans leur insensibilité et en même temps diffusent une sourde douleur qui me gène… Je ressens une sorte d’ambiance mélancolique de l’après, une impression de post sommitum animal triste… après m’être concentré pendant deux mois sur un objectif omniprésent… je ne sais pas trop comment expliquer ce phénomène de relâchement mais le brouillard ambiant est presque la métaphore de ce qui traîne dans ma tête… un manque de couleurs et de formes annihilant tout enthousiasme…
Dans ce contexte, je suis pressé de rentrer en France comme jamais dans l’histoire de mes voyages… Si tout se passe bien et si (une fois de plus) le brouillard se dissipe pour permettre au petit avion de s’envoler, nous devrions arriver demain matin à Katmandou d’où (didon) je ferai tout pour avancer mon billet de retour… Bien sûr, il y a de bons moments qui devraient nous attendre dans la capitale népalaise avec Joseph pour qui je devrais jouer le guide afin de lui faire découvrir les merveilles architecturales… mais ma tête est déjà ailleurs…dans la gestion du poids des bagages puis dans l’avion du retour.
Joseph lui, n’a même pas encore la tête à Katmandou car son porteur a disparu avec son sac alors que nous devons nous envoler de Lukla demain matin à 6 heures… bilan estimé : environ 4000 dollars de matériel de montagne… Ça continue seulement avec une organisation sinon nulle, en tout cas au flou tellement peu artistique que Joseph balaie les ruelles de Lukla à la recherche de ses sacs… en faisant plus que pester…
Merci Nelo pour ton message et le lien vers Mister Everest… que je viens de rencontrer et avec qui j’ai trinqué… Il vient de gravir son 19ième Everest de rang, série qu’il a commencée en 1990… s’il avait pu m’en passer ne serait-ce qu’un de Sagar Matha, j’aurais pas dit non… Snif !
Pheri Bhe Tongla à tous les amis et bon Roland-Garros qui commence aujourd’hui… J’ai hâte… |