22 – 8400 m seulement pour sauver mes pieds…
- Everest
- Yves Morel
- 21 Mai 2009
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Namaste les amis,
Je m’en vais de ce pas vous rassurer sur mon sort par un résumé très succinct, lapidaire, voire même laconique et me charge de vous préparer un compte rendu par le menu détail de toutes les péripéties et même les rebondissements de ces cinq jours sur le toit du Monde…
Et quand je parle de rebondissements je pèse mes mots parce que j’ai réellement failli y passer entre le camp III et le camp IV à cause d’un énorme bloc de glace dévalant la pente de 70 degrés et que je n’ai pu « éviter » (contact avec le coude gauche et le sac à dos quand même) que par un pur réflexe… Mais bon, ça, je vous le décrirai dans le prochain et long, très long…message. Préparez-vous psychologiquement, va y avoir de la lecture !
Revenons-en à l’urgence du présent… Et bien à mon grand regret, et malgré une météo de départ parfaite, froide (- 30 ° C apparemment) et sans vent, j’ai dû prendre la difficile décision de faire demi-tour une fois atteint le balcon sud (en gros 8400 m d’altitude) parce qu’après six heures de souffrance croissante, mes pieds commençaient cette fois réellement à geler…
Voilà, il me reste quand même un peu de déception en tête mais beaucoup de satisfaction d’avoir effectué (Hum Hum… je prends la moue giscardienne…) le bon choix entre un rêve de sommet certes, mais la vie de l’autre côté… Trois jours se sont écoulés depuis le « summit day » et mes gros orteils sont toujours insensibles, ankylosés, voire même franchement douloureux dès que je dois marcher dans le sens de la descente, mais tout le monde m’assure qu’il ne s’agit que d’engelures superficielles… Par contre, et c’est pourquoi je ne regrette absolument pas ma décision, si nous avions continué jusqu’au sommet (seulement trois à quatre heures de montée et deux heures de descente)… j’aurais très probablement perdu quelques orteils…
Tout s’est un peu bousculé dans ma tête à 2 h 30 du matin sur ce balcon sud balayé par les vents glaciaux, par deux fois j’ai affirmé au sherpa que je voulais continuer, et par trois fois une voix intérieure m’a maintenu que je m’apprêtais à tenter une belle connerie… Cette voix m’a rappelé que ma promesse de rentrer entier signifiait aussi avec tous mes orteils, m’a remémoré la sensation de bien être après une longue course, la joie d’escalader en forêt de Fontainebleau, la liberté de se balader en sandales sans se faire scruter comme une bête en cage… et qui ont fait que j’ai fini par opter pour cette vie future fabuleuse plutôt que pour ce sommet qui pourtant me tendait ses bras glaciaux…
En effet, on avançait à un super rythme et je pense que ce sont les attentes à répétition des cordées précédentes qui se reposaient sur l’unique corde fixe, ainsi que le froid intense qui planait, qui ont été à l’origine de ce gel progressif des orteils.
Une fois redescendu au camp IV, j’ai fait des pieds (ah bravo… !) et des mains pour rejoindre au plus vite (en deux jours) le camp de base, et puis Joseph, et ainsi reprendre le sentier vers la vraie vie…
Voili voilou, une fois de plus je vous rassure, tout va bien, il faudra au maximum quelques semaines pour que je récupère l’usage intégral de ces orteils qui me font souffrir, et pour que mes yeux perdent de leur rougeur…
Une fois que j’aurais remis toutes mes idées en place, à très très bientôt pour une description minutieuse de ces cinq – six jours fabuleux dont je me souviendrai longtemps…
Pheri Bhe Tongla les amis ! |