Namaste… incertain !

Oui, incertain car notre retour au camp de base a été accueilli par des nouvelles peu engageantes…

Allons droit au but, le temps semble lancé dans une phase assez trouble de nuages et de grands vents rendant impossible par le froid tout accès aux camps élevés…

Et surtout une double et importante avalanche vient d’emporter sur l’ Ice fall  il y a deux jours une cordée de trois membres et d’un sherpa.

Les trois Autrichiens ont eu la chance d’être secourus mais pour le sherpa, c’est fini et son corps n’a même pas été retrouvé, probablement tout au fond d’une crevasse…

Ouais, ouais ouais… je lis dans vos pensées…

Cette nouvelle valide bien les dangers rémanents à l’ Ice fall que j’avais parfois tendance à minimiser et semble jeter un bon gros coup de froid et de bambou au moral des alpinistes du camp de base en général et à notre expédition en particulier…

Mis à part Martin qui s’est lancé, optimiste (et entêté ?), ce matin aux aurores  vers le camp II, quasiment tous les groupes restent scotchés au camp de base voire même opèrent une descente stratégique vers les villages inférieurs car les prévisions ne s’avèrent pas optimistes pour les prochains jours tout du moins…

Notre camp de base s’apparente à un village entier de peuplé de Bill Gates occupé à scruter, (non pas le gars…contrepèterie !) mais les fenêtres météos à venir prétendument plus propices…

Anne ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir… ?

J’aurais bien besoin d’un kiné travesti tiens pour une meilleure visibilité…

Du coup je profite de l’attente pour lire (très bien Didier Daeninckx, « Géant Inachevés »), écrire (je me sentais bien inspiré hier…sur le thème de la « verve – haine » en poème… il ne m’a plus suffi que de laisser infuser… ), me cultiver, en enchaînant les superbes 2000 ans d’Histoire de Patrice Gélinet (Tiens, l’anecdote du jour, saviez-vous que la Loterie Française avait été introduite en France et auprès de Louis XV par… Giacomo Casanova vers 1750…!?!?), enrichir ma cinéphilie (pas mal du tout le vieux  film anti-militariste « Allons Z’enfants… » d’Yves Boisset…), et enfin… vachement moins prosaïque mais il fallait bien que je lave mes chaussettes qui en avaient urgemment besoin… !

Tiens, en parlant de laver, deux mains ça se serait bien que je me trouve à portée (demain) parce que j’ai cru détecter des couleurs sur ma peau pas franchement… bouddhique et qui ne doivent rien à un teint hâlé allez…

En tout état de cause, nous attendons nos sherpas qui se retrouvent en altitude, en train (oui, l’alloc’ haut motive…) d’installer les camps III et IV balayés par les vents dévastateurs…

À leur retour, il devrait falloir, en toute logique, rajouter un jour ou deux de repos avant, au mieux d’entamer de ce fameux « final push » si, par extraordinaire la météo s’avérait plus favorable…

On espère quand même que ce retournement météorologique va s’accélérer car le programme initial d’Asian Trecking (notre expédition) prévoyait de lever définitivement le camp à partir du 22 mai… il reste encore du temps mais quand même cela se rapproche…

Attente sous la tente dans une ambiance de grondements d’avalanches déjà beaucoup moins exotiques depuis la nouvelle de l’accident fatal…

Bon, tout ça ne semble pas bien engageant mais je crois en mon étoile (mieux vaut star que jamais !) et la patience prévaudra… je le sens…

Ici, la nourriture est très bonne et il ne reste plus qu’à attendre les oracles… Ne dit-on pas que « Quand la Pythie va, tout va»… ?

Pheri Bhe Tongla et méfiez-vous en franchissant les portes que l’embrasure n’avale hanches…

Ouais ouais ouais et ben ça se confirme que la météo n’est franchement pas clémente à l’heure actuelle…

Nos sherpas viennent de redescendre au camp de base et le Camp IV était selon leur dire (et bizarrement je les crois) dévasté par des vents polaires…

Quand je pense à l’opportunisme du mec qui a réussi à atteindre le sommet il y a maintenant quelques jours et qui doit se payer du bon temps à l’heure actuelle à Kathmandou…

Non finalement, vaut mieux que j’y pense pas  ce gars, je me fais mal pour rien…

Mieux vaut se concentrer sur le repos, l’attente pour tout donner dès qu’un créneau va se dégager…

Mais apparemment nous en avons encore pour deux – trois jours au minimum de rafales de neige calfeutrés sous la tente…

Je poursuis mon étude des 2000 ans d’histoire et c’est toujours aussi instructif et passionnant… Saviez-vous que Levis Strauss a fait fortune pendant la Ruée vers l’Or en Californie en 1849 – 1851 (« Levis 51 ») en équipant les pionniers de Jean’s au tissu suffisamment résistant pour que les poches puissent soutenir sans craquer une découverte de pépites d’or… ? Je viens de me régaler à ce propos de la quête des « Forty-niners » ce matin…

D’ailleurs, dans la série attente culturelle avec comme leitmotiv de toujours apprendre…

On était avant-hier sur le sentier avec Joseph, le camp de base en ligne de mire… quand une nana vient me parler, apparemment sure de son fait et me posant des questions sur notre programme, comme quoi elle m’avait déjà vu plusieurs fois  différents stades de la montagne…

Ah bon ? Répondis-je étonné, ne la reconnaissant absolument pas, problème  malheureusement récurrent de non physionomie chez moi…

Quoique si je rends hommage au regretté Desproges, tout en le contredisant, j’ai quand même réussi à reconnaître Louise quand même… alors que je ne l’avais jamais vue en plus !

Revenons-en à la nana…

Ben oui me dit-elle, à chaque fois que l’on te croise, tu toujours en train de lire ou bien d’écrire… et de fait, j’étais, tout en marchant, en train de griffonner sur un papier informe des idées de poèmes qui me traversaient l’esprit, manquant à chaque pas de m’embroncher dans une pierre… OK, je prends acte et reconnais… que je passe un peu pour un extra-terrestre sur ce camp de base où la majorité des alpinistes attendent en discutant… Everest, météo, Ice Fall, avalanches…

Pfiou, y a pas que ça dans la vie hein… !?!

Voili voilou où nous en sommes… J’ai l’impression d’attendre un bus en Australie comme lors de notre semaine de camping imposée à Adélaïde dans l’espoir d’accrocher l’hebdomadaire de la Greyhound qui devait nous faire traverser le continent vers Perth…

Et bien notre lévrier d’ici tarde lui aussi pour nous apporter cette fenêtre météo tant attendue…

Ce camp de base ressemble à s’y méprendre de plus en plus à une prison dorée, avec liberté de se déplacer certes… mais pas bien loin, les trois repas quotidiens rythmant la journée tel l’arrivée des marées, et puis cette satanée assignation sur place et, qui plus est, à durée indéterminée…

Malgré toutes mes passions annexes apportées ici, il s’agit de rester zen, structurer ses journées, et les étoffer un maximum par des activités diverses… histoire de reconstituer le cycle journalier… un peu long et répétitif !

Arrivée matinale du soleil à 7 heures, ce dernier inonde la tente et rend l’ambiance intenable de chaleur. Petit déjeuner (réflexe pavlovien imposé depuis les publicités pour benco…), toilette succincte (vraiment succincte… ). Recharge de l’ordinateur sur les panneaux solaires submergés par les chauds rayons. Lecture. 2000 ans d’Histoire avec prise de notes. Déjeuner. Nouvelles émissions d’histoire. Re Lecture. Tentative d’auto correction de mes poèmes sur Paris du projet « Paname en poèmes, un quidam essaime… » (« essaime »… hein ?…pas SM… ne vous méprenez pas…).

C’est alors que le ciel se couvre et que fréquemment le vent se met à souffler dru…que les flocons de neige se mettent à voleter… d’où un repli stratégique vers la tente et mon divin sac de couchage… Je récupère l’ordinateur alors le plus souvent chargé et me délecte avec un vieux film (il est environ 17 heures), puis… C’est le dîner dans une tente mess non chauffée et souvent éclairée à la bougie, et le froid du glacier remonte par les pieds et nous fait grelotter… À peine le repas englouti, je me précipite alors (il est vingt heures au grand maximum) vers le duvet si bienfaiteur où la ressenti alterne entre tremblements de froid et picotements de chaleur excessive… Lecture jusqu’à 22 heures… Le marchand de sable s’invite… mais de façon trop parcimonieuse et le réveil quasi définitif opère (sans jeune fille) vers les 1 h du matin tiraillé par une vessie trop sollicitée pendant toute la journée. Et alors c’est fini, le sommeil ne revient plus mais seulement des assoupissements sporadiques par coups de vingtaines de minutes, jalonnés par des accès de soif tenace, ainsi que des rappels réguliers de la vessie… et en PCV en plus !

Ah, heureusement que j’ai cet entonnoir qui me permet de ne pas quitter la tente si vous voyez ce que je veux dire…

Et… la boucle de la journéeest bouclée et de nouveau le soleil inonde la tente et c’est « déjà » le lendemain…

Hier, dans les joies mémorables, j’ai pu apprécier une douche d’anthologie… !

Quelle joie,… et j’irais bien jusqu’au Nirvana dans le vocabulaire… (on est chez Bouddha ou pas… !?!)… une fois le corps nettoyé (et qu’est-ce qu’il en avait besoin le bougre… !) de simplement laisser couler des bols d’eau chaude sur le cuir chevelu et se laisser aller les yeux fermés, oubliant temporairement cette ambiance chronique de froid ou tout du moins d fraîcheur transperçante…

Voici une douche de réconfort qui viendra longtemps me soutenir dans les moments difficiles…

Selon les dernières nouvelles, nous devrions quitter le camp de base le 13 mai, ce qui nous laisse encore trois journée de patience… si le vent s’est calmée en altitude.

Cette attente commence à sembler interminable et des petites tensions semblent même monter, notamment entre les Russes…

Abu se prenant de plus en plus pour un organisateur voire même pour un sherpa, il préfère aller dîner dans la tente mess avec les cuisiniers où la température n’a rien à voir, mais alors rien du tout avec l’ambiance de réfrigérateur de notre tente commune, laissant Boris « esseulé » parmi nous anglophones c’est-à-dire que ce dernier se morfond dans son coin et fulmine… Bon, c’est aussi à lui de s’ouvrir au minimum  dans une autre langue que son Russe natal et la communication deviendrait alors meilleure, ou tout du moins… minimaliste on va dire…

Ah, dire que dans deux semaines tout devrait être à peu près terminé… autant dire une éternité dans l’état actuel des choses…

Tiens, en direct, voici Martin et son sherpa qui rentrent la queue basse (et probablement fouettée par les vents…) de son escapade « à contre sens » vers les camps d’altitude…

Pheri Bhe Tongla les amis, et profitez des joies simples en pensant à moi… un insecte qui butine, un solo musical entonné par un piaf heureux, la verdure irradiante d’une feuille d’arbre retardataire… oh oui, envoyez-moi ça…

Yves