17 – Le Calme avant la Tempête…
- Everest
- Yves Morel
- 04 Mai 2009
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Namaste les amis !
Ah quelle belle séquence je suis en train de vivre là… J’essaie de vraiment apprécier ces doux moments de calme avant la tempête à venir, des moments d’hédonisme pur… Allez tiens, et si je lisais pendant une heure… ? Oh non, je vais peut-être regarder un vieux (pléonasme) Marx Brothers que je ne connaissais pas… Et finalement si j’allais retourner me faire un bain de sourires avec ces Népalais commerçants, mais pas commerciaux… vous sentez la différence ? S’ils peuvent vendre, d’accord, mais sinon, pas de problème, on conseille un concurrent et néanmoins ami…oui, nez en moins certes, mais nez pale toujours…
Du pur Bon-heur que cette station en cale sèche à Namche bazar !
Attention cependant à ne pas faire l’Hannibal et ne pas m’endormir dans les délices de Capoue, avec en guise d’éléphants, une armée de yaks aux cornes acérées et à la fiente combustible… Non je suis bien conscient d’être en train de me payer une bulle de trois jours et qu’ensuite les choses sérieuses et ultimes vont reprendre mais le sentier devrait faire office de transition avant de recouvrer la glace du camp de base…
Hier, j’ai essayé de pallier ma peur panique du gel aux mimines en achetant une nouvelle paire de gants, à la fois épaisse et ergonomique me permettant dextérité dans les manipulations du style rappel sur corde fixe tout en me protégeant d’un coup de froid subit… et subi. Les vendeurs, apparemment potes avec Nima mon sherpa, m’ont assuré que tout se passerait pour le mieux et que j’embrasserais le sommet…inch Bouddha ! Il reste encore tellement d’impondérables… Vous avez trouvé le lien vers l’avalanche qui s’est produite sur l’Ice Fall… ? Quand je vous parlais de roulette russe… avec probabilité néfaste minime certes, mais roulette russe quand même… Bon, je me dis qu’on en a deux (de popov) dans l’équipe, donc peut être que la dite roulette va tourner dans notre sens…
Ah oui c’est vrai, avant le grand départ, il faut que je revoie en guise de porte bonheur et de mascotte les fameux « Space Cowboy » qui collent trop bien à notre expédition…
Namche Bazar, sorte de favela (haut de gamme) en altitude… Je vous avais un peu décrit le village la première fois comme un amphithéâtre du vide… je ne m’auto contredirai pas… mais c’est vrai qu’avec le recul, je revois aussi ce dédale de ruelles des favelas de Rio accrochées à flanc de falaise… Mais bon, la ressemblance s’arrête là parce qu’au niveau de la confiance en soi et de la sécurité… elles s’avèrent inversement proportionnelles au taux d’oxygène dans l’air !
Ce matin, en taquinant mon petit déjeuner, et en voulant préparer cette nouvelle prose, j’ai eu la luxueuse surprise d’être averti par le portable qu’il existait (momentanément seulement mais c’est déjà ça quand même) du réseau sans fil… Et oui madame ! Et donc c’est en véritable pacha (en passant…excellent vieux film de Georges Lautner avec Gabin et quelques interventions musicales de Gainsbourg….) que j’ai pu apprécier mon omelette en faisant un tour sur internet… La classe quoi !
Et puis, je me retrouve dans une petite pension familiale sur conseil de la dentiste que je tenais à remercier… une pension tenue par la sœur aînée de cette dernière… C’est gé-nial ! La dame, qui a un look de jeune grand-mère, se trouve à mes petits soins surtout depuis qu’elle sait que je vais retourner au charbon des hautes altitudes, et encore plus depuis qu’elle est tombée sur la photo de Louise dans son bain… Alors là, je suis devenu son protégé… Et vas-y que je t’apporte du rab’ de momos (une spécialité culinaire népalaise à base de beignets frits ou non), que je te découpe un quartier de pomme qu’elle était en train de partager avec son mari, que je vais spontanément acheter sur le marché du poulet pour me faire plaisir simplement parce que je lui ai dit que j’adorais le chicken – chili à Kathmandou… Je suis aux anges dans cette pension…
Et cela n’empêche pas le fait que la perte de poids enclenchée se poursuit… C’est vraiment pas une légende cette histoire… Les bourrelets de graisse (pas super développés il est vrai) que je possédais ont fondu comme neige au soleil alors que je me force à manger comme jamais… Je vais avoir intérêt de remettre un bon coup de fourchette au camp de base histoire de me constituer quelques réserves parce que quand je vois ce qu’ont préparé les sherpas pour les derniers camps d’altitude c’est complètement nul ! Des bonbons, quelques quartiers de vache qui rit, des corn flakes… enfin rien de consistant permettant d’ enchaîner une vingtaine d’heures de marche le jour du sommet… Je pense même que je vais acheter un complément de bouffe lyophilisée ici à Namche Bazar parce que je la sens pas du tout leur histoire… Comme disait apparemment mon pépé que je n’ai malheureusement jamais connu : « un sac vide ne tient pas debout »… au niveau de la mer, cela m’arrive souvent de jeûner (en paix) mais j’ai pas envie de tenter le coup à plus de huit mille mètres d’altitude !
Tic Tic Tic… Ah oui, il y a un plaisir des sens purement népalais que j’ai omis de vous décrire jusqu’à présent… C’est le son des tailleurs de pierre qui, à longueur de journée, qu’il pleuve ou qu’il vente, patiemment et délicatement tapotent sur des blocs de granite en vue de les modeler et de construire de nouveaux lodges… Ah on sent qu’on se trouve dans un pays où la main d’œuvre ne coûte pas cher mon vieux… !
Une kyrielle de Népalais assis en tailleur dans une concentration monacale, et qui tapent, sculptent puis affinent des parallélépipèdes granitiques qui serviront à accueillir les alpinistes de demain… Ce fond sonore constitue une ambiance qui rappelle Georges Clooney et les « Oh Brothers » des frères Coën mais malheureusement sans le fond de Negro Spirituals… Enfin, chaque traversée de village en général, et Namche Bazar en particulier est rythmée par la musique lancinante et enivrante de ces tailleurs de pierre… Tic Tic Tic…
Bon, faut que j’y aille, apparemment, la connexion téléphonique a été rétablie et je devrais pouvoir récupérer un peu d’argent dans l’escarcelle (et non pas dans l’«escarre selles »)…
Et puis surtout, il y a en direct live un p’tit papi français qui vient de s’installer à côté de moi et qui commence sérieusement à me saoûler à base de je sais tout…, « Ah ma brave dame la météo n’est plus ce qu’elle était », «Mais vous n’aurez jamais le temps d’aller au sommet, la Mousson arrivera avant »… et il m’a même sorti, histoire d’étaler sa science que l’Everest n’était pas le plus haut sommet du Monde !!…
Oui, c’est vrai que j’avais déjà entendu cette histoire, que du fait de l’écrasement de la Planète au niveau des Pôles, et bien celle-ci ressemble d’avantage à une mandarine qu’à une orange parfaitement sphérique et donc, qu’en terme de distance relative par rapport au noyau de la Terre, ce serait donc le Chimborazo en Équateur (sommet que je n’ai d’ailleurs pas pu tenter à cause du mauvais temps lorsque j’étais là-bas…) qui constituerait le plus haut « sommet relatif »… La belle affaire… Bon tout ça pour dire, que je peine à me concentrer et que papi commence à me gonfler…
Donc…Pheri Bhe Tongla les amis et à bientôt, je me sauve…
Yves
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