11 – à la courte Échelle…
- Everest
- Yves Morel
- 18 Avr 2009
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Namaste depuis mon sac de couchage !
Voici quelques nouvelles alors que le soleil vient d’épuiser ses derniers rayons sur les sommets de plus de 8000 m et qu’en conséquence, le camp de base se trouve plongé dans une fraîcheur (pour ne pas dire un froid) emprunt d’humidité que seule la présence réconfortante d’un bon duvet parvient à compenser…
Après une (nouvelle) journée de repos total, qui vient d’ailleurs de me rendre mes jambes de jeune homme (mais pas de jeûne homme parce que, qu’est-ce qu’on continue à bouffer !), nous nous apprêtons à faire demain notre 1ère grande sortie manipulation sur ce fameux ice fall (rappelez-vous… ) qui fascine mon excitation autant que mes craintes les plus épidermiques…
Il y a les crevasses et les passages d’échelles, mais ça j’ai confiance… et puis les cours d’ Économie – Gestion et les sacro-saintes économies d’échelles commencent à être loin derrière et même à plus de 5 kilomètres en dessous… donc ça va… Non, ce que je redoute ce sont les avalanches perpétuelles qui troublent si souvent la quiétude du camp de base par leur violence et leur soudaineté et qui fait penser… « putain, il vaut mieux ne pas se trouver au dessous au moment où ça tombe ! » et ceci relève plus ou moins de la loterie… De gigantesques épées de Damoclès de glace ou de roc (mais surtout de glace) suspendues au dessus de la tête de ces malheureuses fourmis tentant au ralenti de traverser les tréfonds apparaissant sur leur route… Et bien donc, une fois n’est pas coutume, ce soir, en plus de prier Bouddha, je vais tenter ma chance auprès de la Française des Vœux…
Nous devrions également demain accueillir le fameux Martin suite aux demandes incessantes de la Grande Sophie (« Mar-tin, est-ce que tu viens demain… ? »), un Martin qui aura pris son temps sur le sentier… Remarquez, tout s’explique… nous venons d’apprendre par Will, un alpiniste US bien sympa que le-dit Martin est fonctionnaire de Police au pays du trèfle et donc, je suppose qu’en bon Keuf, il aura souhaité éviter le « speed exces »… On le rassure, quasiment onze jours de trek, l’objectif est atteint, aussi sûrement qu’une bonne tarte…
Tiens, en parlant de tarte, et sans souhaiter imiter Bertrand Cantat, y en a une qui n’aurait pas volé la sienne et qui me fait de plus en plus déchanter quant à l’ambiance idyllique du camp de base qui ressemble à s’y méprendre à une transposition du Monde occidental basé sur la propriété, et l’agressivité… Je résume… Notre expédition, est chapeautée par l’agence « Asian Trecking » de Khatmandou qui est également à la base de 2 – 3 autres expés dont une intitulée « Eco Everest »… J’avais depuis le départ, l’autorisation de l’agence d’aller recharger mon matos électronique là où cela pourrait s’avérer possible, au sein d’une quelconque des expéditions relevant de leurs soins… Le genre d’accréditation qu’il ne faut pas me répéter deux fois… Là bas, je trouve un sherpa super sympa (pléonasme !) qui me laisse tout installer et me dit de revenir récupérer mon ordinateur quand bon me semblera… Ok, j’me balade…et au retour, v’la t’y pas que je trouve le tout débranché et une espèce de conne d’Eco Everest qui me sort aggressivement (ouais ouais, je mets exprès deux « G » parce que ça m’a énervé…)… « J’ai débranché tous tes trucs, on est chez nous et j’en avais besoin… »…
Aaaaaahhhhhh !!!!! Non mais qu’est-ce que ça m’énerve ! L’invasion… c’est l’invasion de cet esprit de merde que je conchie et que j’étais si heureux de fuir en arrivant sur cette terre sacrée qu’est le Népal ! Heureusement, j’ai reçu des sourires de soutien d’autres gars de l’expédition qui avaient bien compris que je faisais partie de la même agence, et qui semblaient gênés par cet excès de sentiment de propriété à la con… Pardonnez mes envols « slangiens » mais quand même ça fait brutalement redescendre sur terre des réactions comme celle-là…
Bon, allez, un bon petit film depuis le sac de couchage (oui, j’ai quand même réussi à le recharger mon ordi…) et je vais retrouver ce zen qui normalement m’habite… (appelez-moi Pinocchio !).
Et bien voilà, je viens de les franchir ces fameuses échelles… ! Pour la moitié en tout cas… nous nous sommes arrêtés à mi-chemin du Camp I et sommes rentrés avant que la chaleur croissante ne déclenche les redoutées avalanches au dessus de notre tête…
Mais franchement, si j’ai été enchanté par la splendeur de ces crevasses et de ces séracs au milieu desquels nous avons louvoyé pendant un peu plus de trois heures… j’ai trouvé l’exercice bien plus facile que ce à quoi je me préparais psychologiquement depuis un bon moment… C’est vrai que les crevasses sont bien profondes, la dessus il n’y a pas erreur sur la marchandise je confirme … mais elles sont bien plus étroites que sur le film et puis le système de double corde permet, une fois l’équilibre trouvé de traverser sans trop de dommages… Cela devient un peu en quelque sorte de l’accro-branche à la sauce très haute montagne…
(Tiens, en direct live de la rédaction de ces lignes, une énorme avalanche se déclenche et fait frissonner tout ce cul-de-sac de vallée que constitue le camp de base… Brrrrr ! ).
Par contre, au rayon des déceptions, et bien je trouve mon souffle étonnamment court, un souffle qui me rend très sceptique quant à la suite des évènements… Peut-être cela va-t-il s’arranger avec plus de sorties en altitude, mais toujours est-il que ce matin je ressemblais à s’y méprendre à un tabagiste chronique entreprenant son jogging annuel… Au lieu de suivre mon rythme régulier qui, en général, me réussit bien, le sherpa Nima n’arrêtait pas de me speeder en me montrant le risque d’avalanche et du coup j’ai galéré de façon incroyable toute la matinée pour recouvrer un souffle décent et régulier…
Quand je pense que le jour (éventuel) du sommet, et d’un, nous partirons de quasiment 8000 mètres, et surtout de deux, c’est entre dix à douze heures d’escalade qui nous attendent… et bien je ne me fais plus grande illusion quant à mes chances de réussite…
Autres sources de désillusion et de soucis certains… je ne sais plus trop comment gérer le problème lentilles ou de lunettes et me retrouve (déjà !) avec un œil injecté de sang car les lunettes noires correctives rencontrent leurs limites face à cette lumière transperçante de glacier de haute altitude… Je vais essayer de bricoler, lunette (de mauvaise qualité mais avec protection latérale) de glacier placées au dessus de mes lunettes correctives mais bon, je sais pas trop ce que ça va donner…
Et pour finir (décidément pas une journée d’anthologie au sens laudatif) et ben, ça devient l’horreur dans ce camp de base pour recharger les batteries nécessaires à mes rédactions épistol@ires (mes émiles à répétition quoi !) et ça commence à me gonfler grave de me faire traiter en paria alors que je possède le même droit que les autres expéditions que je décrivais hier… J’ai déjà commencé à m’énerver tout à l’heure et me suis incrusté chez des Kazakhs où j’ai déposé tout mon matériel sous les « Kaks ? » russes et réprobateurs…
Bon, Phéri Bhe Tongla les aminches sous de (je l’espère…) meilleurs auspices… Et puis tant qu’il ne s’agit pas d’hospices je suis preneur… Allez…
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