12 – Vers le Camp I…
- Everest
- Yves Morel
- 20 Avr 2009
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Namaste les oxygénés !
Et ben… c’est pas une bonne série qu’est en train de se poursuivre depuis hier… En résumant, une spirale d’échecs… enfin presque… parce qu’avec tout ce que l’on boit, il ne manquerait plus qu’une incontinence pour que je sois poursuivi pour délit de fuite !
Non, par contre… je vais dresser une liste crescendo de la série négative…
– Hier, c’est la braguette de mon jean qui casse… du coup, complètement débraillé, je suis le point de mire de tous les sherpas du camp de base auxquels je me suis contenté d’expliquer qu’en France, on n’avait pas la climatisation (en témoigne la triste vague de décès de l’été 2003) et donc que les couturiers avaient dû trouver un pis-aller à moindre frais… l’aération automatique de l’entrejambes…
– Ensuite, c’est l’appareil photo numérique qui ne daigne s’allumer qu’un fois sur cinq en moyenne et ça a le don de m’exaspérer… je comprends ce que signifie carte SD maintenant, « Shit Digital »… Non, franchement, ça me dépasse ! Ça ne devrait pas être une histoire de froid, vu que le Lumix passe toutes les nuits dans mon sac de couchage… L’altitude, faudrait quand même pas abuser, on n’est qu’à 5300 m… Resterait plutôt la piste olfactive… C’est vrai qu’en ce moment ça ne doit pas être coton de dormir avec moi… Ben, je vais devoir ressortir plus tôt que prévu le reflex argentique qui ne m’a pour l’instant jamais fait faux bond… mais d’ici qu’il ne se vexe et refuse de jouer les bouche-trous, y a qu’un pas !
– Enfin et surtout, tout à l’heure nous nous apprêtions à nous entraîner sur glacier, corde fixe, jumar et tutti quanti quand… j’ai trouvé l’un de mes crampons complètement plié en deux (et y a rien de drôle…), et pire, fissuré au milieu !?!?!? Là encore, c’est l’incompréhension… ils sont comme neufs ces crampons… ! Le sherpa m’a suggéré que j’aurais peut-être été trop violent avec les échelles mais là non plus faudrait pas pousser !… Remarque, c’est p’têt’ pour ça que peu de sherpas font le barreau… En tout cas, il y a eu unanimité là dessus, impossible de continuer dans de telles conditions… Au début il a été question d’envoyer un sherpa jusqu’à Namche Bazar rechercher une nouvelle paire de crampons et puis, finalement, Pimba s’est démené et a trouvé une solution sur le camp de base… Plus de peur que de mal sauf que j’en suis à nouveau quitte pour 60 € (des Black Diamond)… et pour du poids en soute lors du retour…
Ah décidément… je l’aurai mérité ce rêve s’il se concrétise… !
Demain matin, nous devons partir tôt, vers les 6 heures et rallier le camp I, via l’Icefall bien sûr, puis redescendre dans la journée… Nous devrions ainsi limiter les risques d’avalanches lorsque la glace reste bien compacte après la nuit… D’ailleurs, les nuits rafraîchissent et il commence à bien geler dans la tente en témoigne le contenu au réveil (un morceau de glace) de ma gourde qui était pourtant bouillant hier soir… C’est là que je commence à apprécier (mille mercis ma petite tête…) l’idée d’avoir apporter un entonnoir…et de ne pas avoir à quitter la tente lorsqu’un besoin nocturne pressant se fait ressentir… et on en revient au délit de fuite…
Sans transition aucune et avant d’oublier, merci, un grand merci à ceux qui m’écrivent régulièrement et désolé si je n’ai pas toujours le temps de formuler une réponse, mais en tout cas, sachez vous m’apportez un réconfort pas possible et tous vos messages sont scrupuleusement conservés… Continuez, continuez surtout !
D’ailleurs, tout à l’heure, mon envie de vous faire partager ces paysages somptueux que je côtoie quotidiennement m’a fait marcher 2 heures et demi et redescendre jusqu’à Gorak Shep où l’internet est bien plus rapide mais…payant, et même bien cher ! Et vous ne vous en sortirez pas comme ça… 6 € 75 à raison de 300 destinataires en arrondissant, sachez que vous me devez chacun…environ 2 centimes d’€ TTC… et tiens, pour les élèves ça fait combien en HT… ??? sachant que l’on convertira 1 centime d’€ de TVA en 100 grammes de bouse de Yak séchée… j’attends la réponse !!! Yak Yak Yak !
Donc j’espère que vous les aurez appréciées ces photos… qui risquent d’être les dernières si le numérique continue de faire des siennes…
Á l’occasion de cette excursion puis de l’escalade de glacier, j’ai pu me rendre compte que, même s’il s’améliore, mon soufle restait court… oui, c’est exprès que j’effectue un « régime sans L »…le-dit « souffle » ne regagnera ses lettres de noblesses que lorsque mon acclimatation aura été parfaite… demain ? Suite au prochain numéro…
Des nouvelles de Martin… ? Anne ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir… ? Même Joseph, sérieux et posé à l’ordinaire commence à se lâcher et à plaisanter que l’arrivée de Martin et de son armée de sherpas ne devrait pas être pour aujourd’hui puisque aucun nuage de poussière n’a été aperçu à l’horizon… ( ; – )
Bon, un petit film et au dodo, la journée de demain risque de s’avérer difficile… Pheri Bhe Tongla à tous et bonne fin de semaine…
Pfiou… Un peu qu’il s’est avéré difficile le réveil… 3 h du mat’ ! L’objectif affiché était d’éviter les avalanches par le froid matinal mais cela n’a pas empêché, juste après mon passage, qu’un énorme sérac s’écrase et fasse vibrer toutes les cordées engagées. Plus de peur que de mal, personne ne se trouvait à cet endroit exact à cet instant t… Mais c’est quand même impressionnant d’entendre un fond de vallée trembler au rythme des vrombissements de la montagne qui se délite…
Bon et bien, on a quand même atteint le Camp I et fricoté avec les 6000 m d’altitude et même un peu plus, après avoir franchi environ 25 échelles, certaines purement bénignes mais d’autres assurant le passage au dessus d’une trentaine de mètres de vide… c’est simple, certaines crevasses sont vastes comme des cathédrales.
Et puis cette quiconce de glace, sorte de mastodontes errodés par le vent, et par l’énorme amplitude du mercure entre le jour et la nuit (au moins 25 degrés de différence, ce qui fait vraiment penser au Salar d’Uyuni en terme de continentalité des températures) rend vraiment (ou devrait rendre) tout humain s’engageant dans ce dédale en suspension encore plus humble….
Il suffit que je lève la tête depuis notre campement et que j’admire cet Ice fall pour que cette glaciale beauté, fabrication dégliguée produit d’un génial Marionnettiste à la Tim Burton, justifie à elle seule la tentative, ce rêve de Sagarmatha…
Oui, quel bonheur que ces ……… de Chinois aient encore annulé notre expédition et que celle-ci ait été redirigée par le Népal ! Et dire qu’on serait arrivé en 4X4 au camp de base, et surtout qu’on aurait évité cette merveille de la Nature… Bien sûr, que cet amoncellement hiératique constitue un danger de tous les instants, une sorte de roulette russe… mais bon, j’en reviens toujours à la même chose hein, et je n’ai pas l’impression que le probabilité de se manger une chute de sérac ou bien une avalanche soit plus important que celle de se faire faucher par un chauffard en bicyclette en plein Paris… C’est l’ambiance qui prévaut et mystifie ici… c’est comme le fait de franchir ces fameuses échelles, … rapidement on ne regarde plus le vide sous les crampons et il ne reste que le jeu que constitue cet équilibre précaire…
Enfin, je fais mon malin,… car si je suis arrivé dans le peloton de tête au camp I, et même en pétant la forme par rapport aux autres après quatre heures d’ascension, je suis rentré É-PUI-SÉ comme jamais… Un vrai légume… je titubais de fatigue et je devais me fixer des objectifs à raison de cinquante mètres…
Est-ce l’altitude ? Je ne crois pas, 6100 m d’altitude, c’est de la gnognotte… L’effort cumulé au fait ne rien avoir ingurgité de puis la veille ? La raison serait déjà plus convaincante… 800 m de dénivelé très physique (dont un franchissement de sérac, à la force des bras et au jumar) avec le ventre vide pour une fois (du porridge à 3 heures du mat’ j’ai vraiment pas réussi à me forcer…), et ben ça crève, et si j’ajoute à cela une situation d’hélio-hébriété… je suis rentré titubant et proche de l’insolation.
Et c’est pour dire, je n’ai plus quitté ma tente de toute l’après-midi et même la sacro-sainte opération de recharge de portable en vue de pouvoir apprécier le film vespéral m’est apparue hors de force et je suis resté à bouquiner les « Racines du Mal » (merci Florent c’est génial !) de Dantec jusqu’au soir.
Donc là, nous entamons un repos bien salutaire de deux ou trois jours au camp de base puis retournerons au Camp I afin d’y dormir et pousserons une petite montée au camp II (aux alentours des 6700 m d’altitude je crois… ).
Selon l’expression consacrée, les jours se suivent et ne se ressemblent pas… Plus de onze heures de sommeil… Quand je vous disais que j’étais rentré épuisé… ! Resté éveillé jusqu’à 20 h 30 en bouquinant tenait déjà de l’exploit et la chappe de fatigue l’a emporté haut la main sur cette histoire de serial killers millénaristes pourtant passionnante (« Les Racines du Mal ») … Et je n’ai rouvert les yeux que vers les 7 h 30 en entendant qu’un cérémonial un peu spécial était en préparation…
Et oui, ce matin, un lama (la couleur de peau de Bernard et les rides de Serge…) venait nous apporter depuis le fond de la vallée sa sagesse infinie afin de bénir l’expédition, le « Puja » bouddhique…
Impressionnantes ces incantations répétitives et lancinantes (voire même un poil trop longues… plus de deux heures à se les peler dans le vent glacial… Hein ? ça calme, au réveil…) sur fond de feu de genièvre ( ?) et de jets salvateurs de riz…
Autour d’une Stupa improvisée sur la base d’un cairn granitique, peu à peu les banderoles népalaises ont pris place et se sont mises à exhiber ballet de couleurs sous la brise violente, et puis chacun s’est accroché un mini collier porte-bonheur autour du cou, et les offrandes pour le grand Bouddha ont (enfin) pu commencer…
Offrandes solides tout d’abord sur la base d’un enchevêtrement disparate de gâteaux, noix de cajou, bounty, vaches-qui-rient, mentos, pop corns, amandes…et même beignets de crevettes ! Offrandes liquides ensuite, qui nous ont laissé le choix entre coca-cola impérialiste ou bien macération de houblon à l’espagnole, en l’occurrence une « bonne » San-Miguel…
Peu importe les matinales 9 h 30, je n’ai pas tergiversé longtemps et ai vite décidé de trinquer à la roteuse avec Bouddha, constatant avec réconfort, que tous les sherpas faisaient de même, sans oublier notre lama de service qui avait l’air d’apprécier la binouse…
Et puis, mais c’est vrai, j’ai oublié de vous faire part de l’arrivée du Martin (pas pêcheur)…de service… ! Et bien le moins que je puisse dire c’est que c’est pas un rigolo le gars et que je n’aimerais pas le rencontrer sur une route d’Irlande après avoir franchi une ligne continue… ! C’est simple, si le soleil devait nous faire la grâce de son apparition aussi souvent que Martin sourit… et bien nous rentrerions blancs comme des postérieurs ! In-croy-able… ce mec est toujours renfrogné, possède un accent à couper au couteau, et quand il s’empare de la parole, ne la lâche plus et peu importe si ça saoule le reste de l’auditoire … déjà que je ne comprends pas grand-chose mais alors, pauvres Russes qui se morfondent et ce lancent çà et là des regards perplexes avec un sourire aux commissures (de police forcément…)…
Par exemple, le-dit Martin de se sépare jamais d’un bandeau sur la bouche parce qu’il nous explique que ça fait déjà deux tentatives infructueuses sur l’Everest, et que la dernière fois, et bien il a choppé la « toux du Khumbu », une toux sèche qui affecte 40 % des grimpeurs dans la vallée et est due à la forte chute de température vespérale, annihilant donc tout rêve de succès…
Remarquez, je suis peut-être mauvaise langue… Si ça se trouve, il ne fait que se fendre la gueule sous son foulard mais bizarrement, j’en doute fortement ! Enfin, les repas s’en ressentent et l’ambiance de déconnade qui prévalait est tombée d’un cran et c’est bien dommage…
Pheri Bhe Tongla, bon courage pour cette nouvelle semaine qui débute et plein de bises gercées… |